Vibe code

Quand le code devient une expérience

Philippe Escalle CTO

Oubliez les setups RGB, les playlists lo-fi et les mugs de café fumant. En 2025, la vraie vibe du code n’a plus grand-chose à voir avec l’ambiance : c’est une nouvelle façon de concevoir et de produire du logiciel. Popularisée par Andrej Karpathy sous le nom de Vibe Code, cette approche bouleverse la manière dont on pense la programmation. L’idée est simple : décrire ce que l’on veut créer, laisser une IA produire le code, et dialoguer avec elle jusqu’à obtenir un résultat fonctionnel. Le développeur devient chef d’orchestre, et l’IA, son instrument.

Du code à la conversation

Le Vibe Code repose sur une interaction fluide avec des modèles génératifs comme GPT-5, Claude 3.5 ou Gemini. On ne code plus ligne par ligne : on discute, on oriente, on ajuste. Des outils comme Cursor, Claude Code, Windsurf, Replit Agent, Bolt ou Lovable permettent de transformer de simples requêtes en applications web, scripts ou API complètes. Et pour les utilisateurs de ChatGPT, le mode Projet introduit début 2025 permet d’orchestrer un développement complet dans une seule interface : prompts, fichiers, tests, versionnage et documentation unifiés.

Ces nouveaux environnements redéfinissent le rôle du développeur : moins artisan du code, plus architecte d’intentions. On conçoit des systèmes, on décrit des comportements, et l’IA se charge de l’exécution. Le geste de coder devient un dialogue.

L’expérience Benjamin Code : trois mois pour battre une app de dix ans

S’il fallait une preuve que le Vibe Code n’est pas qu’un concept, l’expérience de Benjamin Code la fournit. En 90 jours, il a développé AutoTrim, un logiciel de montage vidéo pour Mac et Windows capable de couper automatiquement les silences dans des rushs et d’exporter le résultat vers Final Cut ou Premiere Pro. Seul, sans être expert du domaine, et presque sans coder.

Tout commence un vendredi à 17h : il expose son idée à ChatGPT, qui décrit les étapes du projet. Trois heures plus tard, il a un prototype fonctionnel. Puis, avec Claude Code et GPT comme collaborateurs virtuels, il développe une stack moderne Rust + React + Tauri. « Je ne connaissais aucune de ces technos, raconte-t-il, mais avec les IA, ça ne compte plus. »

Le reste du projet illustre parfaitement le potentiel du Vibe Code : landing page multilingue générée par IA, UX raffinée à coups d’allers-retours avec Claude et GPT, et même une stratégie futée pour recruter des bêta-testeurs grâce à une IA de messagerie. Résultat : en trois mois, un produit complet, vendable, et une première vente avant même toute annonce publique. La démonstration est claire : on peut aujourd’hui lancer un logiciel seul, avec des IA comme équipe.

Les outils phares du Vibe Code

  • Cursor : un éditeur de code intelligent construit autour de GPT, capable de comprendre le contexte de votre projet et d’exécuter des refactors entiers sur demande. Parfait pour les développeurs confirmés qui veulent garder la main tout en accélérant les itérations.

  • Claude Code : l’interface de code d’Anthropic, plébiscitée pour sa capacité à raisonner sur des projets complexes, écrire des tests unitaires et documenter automatiquement.

  • Windsurf : une alternative légère et open-source à Cursor, idéale pour les makers et les indépendants qui veulent un environnement IA local ou connecté à leurs propres modèles.

  • ChatGPT (mode Projet) : un environnement complet où chaque conversation devient un espace de travail persistant — l’IA se souvient du code, des dépendances, et peut collaborer sur plusieurs fichiers à la fois. Une révolution pour les développeurs solo.

  • Replit Agent / Bolt / Lovable : des plateformes qui transforment vos prompts en applications web prêtes à déployer. Idéales pour le prototypage rapide ou les MVP.

Ces outils convergent vers un même objectif : rendre la création logicielle plus fluide, plus rapide et plus conversationnelle.

Des cas d’usage réels : de la théorie à la pratique

Les expériences similaires se multiplient dans la communauté dev. Le projet ScubaDuck d’Ezra Yng, décrit dans un billet de blog en juin 2025, montre qu’on peut créer un système complet uniquement par dialogue avec une IA. Mais il note aussi les limites : le Vibe Code brille surtout sur les projets neufs (greenfield), moins sur les bases existantes.

Sur Dev.to, plusieurs développeurs racontent leurs expérimentations : gain de productivité massif sur les tâches répétitives, mais nécessité de rester vigilant sur la qualité et la sécurité du code. Sur le blog de Stack Overflow, un utilisateur raconte comment une app générée avec Bolt semblait parfaite… jusqu’à l’intégration de dépendances, où tout s’est effondré.

Des études académiques viennent également appuyer ces témoignages. Une publication sur arXiv (« Intuition to Evidence », 2025) montre une réduction de 30 % du temps de revue de code et une augmentation du flux de production grâce aux IA. Mais l’intégration reste progressive et la supervision humaine indispensable.

Limites, vigilance et opsec

Le Vibe Code a ses angles morts. Certains outils ont été critiqués pour des fuites de credentials, comme Cursor qui a un temps exposé des clés API contenues dans des fichiers .env. Le confort ne doit jamais remplacer la sécurité : coder avec le Vibe Code ne dispense pas de rigueur.

Et quand les projets deviennent complexes, l’IA montre ses limites. Les itérations peuvent devenir incohérentes, les dépendances casser, les architectures se déformer. Les meilleurs adeptes du Vibe Code savent quand redescendre dans le code.

Pour les CTOs : un changement de paradigme

Le Vibe Code n’est pas un gadget : c’est une révolution de l’interface de programmation. Pour les CTOs, c’est l’opportunité de repenser le prototypage, la formation interne et la vitesse d’itération. Intégrer ces outils dans certains workflows peut accélérer la livraison produit, élargir l’accès au développement logiciel et démocratiser l’innovation.

Mais la prudence reste de mise : il faut un cadre, des revues, une stratégie de tests. Le Vibe Code n’abolit pas le savoir-faire ; il le redéfinit.

Le futur du Vibe Code : expérimenter pour comprendre

De Benjamin Code à des centaines de devs sur Dev.to, une même conviction se dégage : les IA ne remplacent pas les développeurs, elles amplifient leur portée. Le Vibe Code transforme le développement en un dialogue créatif, une danse entre intention et exécution. Alors que les outils s’affinent et que les agents deviennent plus autonomes, une question demeure : jusqu’où laisserons-nous les IA coder à notre place ?
Et surtout : que ferons-nous de ce temps libéré ?

L'oeil du CTO

" En tant que CTO, c’est peut-être le moment de regarder ce phénomène autrement qu’un simple effet de mode. Si vos devs cherchent à vibe coder, ce n’est pas (que) parce qu’ils veulent bosser dans le noir avec une bougie qui sent le cookie. C’est parce qu’ils cherchent un équilibre, un moyen de retrouver du plaisir dans la création, d’échapper à la pression constante et de livrer du code de qualité sans y laisser leur santé mentale. Favoriser une culture où le focus et le bien-être priment sur l’agitation, c’est un levier redoutablement efficace pour retenir les talents et produire mieux. Et puis, avouez-le : vous aussi, vous avez envie d’une playlist lo-fi et d’un éditeur en mode full zen. "

Philippe Escalle — version IA